sabato 13 marzo 2010

Le elezioni di medio termine (regionali) in Francia


Les enjeux des élections régionales : campagne, rapports de force et perspectives


Dans ces élections régionales, qu’est-ce qui va primer, des enjeux locaux ou des enjeux nationaux et partisans ?

En général, les régionales - qui sont des élections intermédiaires, c’est-à-dire se situant entre deux grandes échéances présidentielles ou législatives -, mêlent à la fois les enjeux locaux et les enjeux nationaux. Et celles de 2010 ne seront pas différentes à cet égard. Quand on dit aux gens : « Vous irez voter avec des enjeux plutôt de type national ou plutôt de type local ? », une petite majorité dit : « C’est le régional qui nous intéresse », mais une forte minorité répond : « On ira voter avec des enjeux nationaux ». Car, très souvent, les élections locales, surtout celles de mi-mandat, sont utilisées pour envoyer un message à l’exécutif en place. En 2010, le président et l’équipe gouvernementale connaissent, comme c’est la règle, un essoufflement de leur popularité. Aussi, l’opposition considère que le moment est venu de leur adresser un défi électoral, dans la mesure où ces régionales seront la dernière grande consultation avant l’échéance décisive de 2012. Il y a donc des enjeux nationaux forts autour de cette volonté de pratiquer un vote-sanction et de compter ses troupes d’une part, et il y a des enjeux nationaux au sein de la gauche d’autre part. Depuis les dernières européennes, le Parti socialiste est soumis à une concurrence forte des écologistes et ce scrutin va être le moyen pour eux de jauger leur influence réciproque. De son côté, le Front national, depuis des années dans un processus d’érosion au sein des droites, va tenter d’opérer un come-back.

Maintenant, la région est dans l’histoire des collectivités locales la dernière née, puisqu’elle est apparue comme collectivité politique de plein exercice avec les lois Defferre au début des années 80, et peu à peu se sont créées des scènes politiques régionales. Il reste beaucoup de travail à faire car les présidents de région sont mal connus et parfois très mal connus. Cependant, s’est créé un espace politique avec des enjeux régionaux concrets pour les gens. Par exemple : l’entretien et la construction des lycées, le développement de transports ferroviaires régionaux. Les gens montent dans des trains avec le logo de la région et voient ce que ses investissements ont permis pour améliorer la qualité des transports. Tout cela est devenu concret, même si la région n’a pas la visibilité politique de la commune ou même du département, collectivités qui ont beaucoup plus d’épaisseur historique derrière elles. Il peut y avoir aussi une campagne autour de ces enjeux régionaux : lycées, transports ferroviaires, formation professionnelle, enseignement supérieur et recherche.

Par ailleurs, depuis plusieurs années, il existe une volonté des Français d’envoyer des messages politiques différents, selon qu’ils s’expriment au plan local ou au plan national. Au plan local - les dernières municipales et cantonales de 2008 l’ont montré – les Français ont plutôt tendance à confier la majorité des collectivités à la gauche. Comme si, pour tout ce pouvoir politique de proximité, beaucoup de Français accordaient davantage leur confiance à leurs présidents de région, massivement élus à gauche en 2004, à leurs présidents de département et à leurs maires de grande ville. En revanche, pour le pouvoir national, qu’il soit exécutif ou législatif, les Français – c’était très sensible en 2007 – sont plus réticents. En fait, c’est comme si, peu à peu, s’était créé un espace politique local, où l’on faisait plutôt confiance à la gauche, et un espace politique national, où l’on était plus rétif, plus prudent. On va voir si cette espèce de division du travail politique se renouvelle en 2010.

Enfin, ces élections régionales sont spécifiques parce que, en 2004, ce fut un véritable raz de marée de la gauche. Sur le papier, elle est donc exposée parce qu’elle a plus à perdre qu’à gagner. La droite, elle, avait beaucoup d’espoir de reconquête mais, très souvent, les équipes exécutives sortantes sont considérées comme ayant fait un travail relativement satisfaisant. S’ajoute aussi le contexte national. Il y a une France des électeurs extrêmement inquiets, pessimistes, qui n’accordent que très chichement leur soutien au président de la République, au gouvernement et aux forces politiques qui le soutiennent. La droite, particulièrement l’UMP, peut souffrir de cette érosion de la majorité en termes de popularité. Si elle reconquiert des régions, elle en obtiendra moins que ce qui était encore envisageable il y a un an. Il lui sera très difficile de reprendre cinq à sept régions. Trois ou quatre sera considéré comme une bonne chose pour la majorité. Elle comptait sur l’Ile-de-France, la Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, les Pays de la Loire ou la Picardie. L’hypothèse que ces régions soient reconquises n’est pas toujours la plus probable. Donc, on voit bien le mixte de local et de national dans ces régionales, et cela a toujours été le cas depuis qu’elles existent, c’est-à-dire depuis 1986.

Est-ce que c’est un scrutin à surprise ?

Les élections ne sont jamais entièrement prévisibles. Il y a des mouvements d’humeur qui s’expriment dans les urnes et on a toujours, le soir des élections, une surprise. D’où pourrait-elle venir ? Il y a d’abord le problème de la participation. Dans la période de pré-campagne, les Français ne semblaient pas très partants pour aller voter en masse. Cependant, on peut avoir une surprise : peu à peu, dans la campagne, les gens peuvent se dire : « C’est la dernière grande consultation avant l’affrontement présidentiel de 2012, on va y aller ». Mais la probabilité la plus grande est un taux de participation assez médiocre. Le deuxième espace de surprise, c’est ce qui peut se passer autour du Front national. Certains disent qu’il opère un retour mais, par rapport à 2004, il est à la baisse. Il y a six ans, il avait pu se maintenir au second tour dans dix-sept régions. Aujourd’hui, même Jean-Marie Le Pen dit plutôt une dizaine. Il est donc en érosion. Est-ce qu’il arrivera à freiner cette érosion ou à l’inverser ? Enfin, il y a le rapport de forces entre le Parti socialiste et les écologistes.

Justement, pensez-vous que les écologistes peuvent transformer l’essai des élections européennes de 2009 ?

Au plan national, certainement pas. L’écologie n’a pas la visibilité, l’implantation locale et régionale que possède le PS. Faire jeu égal ou même passer devant le PS, je n’y crois pas. En revanche, dans certaines régions, devenir un acteur décisif c’est possible. Il faudra suivre attentivement des régions à fort taux de professions intellectuelles, de cadres, dont on sait qu’ils sont le support d’Europe Ecologie, comme en Ile-de-France ou Rhône-Alpes. Là, il y a un véritable espace de progression pour les écologistes. D’autant que le contexte est porteur, la préoccupation écologique monte, la protection de l’environnement est une attente forte.

Les régionales vont-elles servir de primaires à gauche ?

Il y aura un effet primaires, interne à l’ensemble de la gauche, pour peser les différentes composantes qui vont de l’extrême gauche jusqu’à l’écologie. Et puis, au sein du Parti socialiste, qui va enclencher son système d’affinement des primaires juste après les élections, on voit comment, pour certains, les succès et les défaites seront exploités. On voit comment Ségolène Royal, dont l’étoile pâlit, utilise la campagne pour tenter de revenir au premier plan de l’actualité politique et de faire de Poitou-Charentes sa base de popularité, son laboratoire politique. On voit comment des stratégies nationales sont à l’œuvre.

Et à droite ?

A droite aussi, de nouvelles personnalités cherchent à tester leur capacité d’avoir des carrières politiques éventuellement nationales. Ainsi, le score que fera Valérie Pécresse sera suivi attentivement. L’UMP a choisi une stratégie de rassemblement. Elle lui permet d’être dans beaucoup de régions plutôt en tête au premier tour. Mais elle risque de la placer en position de faiblesse au second parce qu’elle n’aura plus grand chose à rassembler. Est-ce qu’il y aura à l’UMP cette capacité à faire la course en tête au premier tour, même en dépit de l’affaiblissement de la majorité dans l’opinion ? C’est une question, une petite inconnue. De son côté, le Modem est à peu près partout en érosion. Est-ce qu’il aura, dans certaines régions, une capacité à résister pour faire exister ce souci du « ni droite ni gauche » qui existe chez pas mal de Français ? A mon avis, ce ne sera pas facile parce qu’il est concurrencé sur ce terrain par les écologistes. Ils lui font de l’ombre. Le centrisme a toujours existé dans certaines régions de l’est et de l’ouest, dans lesquelles existe encore une présence catholique forte. Quelle est la capacité du Modem à pouvoir exister et à récupérer une partie de cet héritage démocrate-chrétien ? C’est aussi une question. Enfin, les petits alliés de l’UMP, Chasse, Pêche, Nature, Traditions, le Mouvement pour la France et le Nouveau Centre, vont-ils rester des confettis autour de l’empire qu’est l’UMP ou, ici et là, vont-ils exister ?

Avec cette stratégie d’union dès le premier tour et d’une campagne délibérément nationale, Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas pris un risque important ?

Il y a un risque. La stratégie du président c’est de prendre l’initiative afin d’essayer pas simplement de faire la course en tête mais d’être le premier à démarrer et à forcer les autres à se situer par rapport à soi. Cela a toujours été une stratégie de Nicolas Sarkozy en termes de communication politique et cela a pu le servir dans le passé. Là, ce n’est pas évident car on reste dans un mode de scrutin à deux tours. Cette stratégie, qui peut imposer l’UMP au centre du dispositif, est une stratégie de premier tour. Or les régions se gagneront au deuxième tour. Et au deuxième tour, il s’agit, après cette montée, d’avoir une capacité d’aimant électoral, une capacité de rassemblement. Si on a trop rassemblé dès le premier tour, sans atteindre la majorité absolue, les réserves électorales peuvent être faibles au second. On l’a vu dans les débats entre le Nouveau Centre et l’UMP, il y avait une autre stratégie consistant à présenter une image plus diversifiée de la droite et du centre droit au premier tour. Elle n’a pas été retenue. C’est peut-être une erreur parce qu’on est bien dans un mode de scrutin à deux tours.

A ce débat politique s’est ajouté le projet controversé de réforme territoriale, créant des conseillers territoriaux élus selon un nouveau mode de scrutin en 2014 et siégeant à la fois à la région et au département. Est-ce que les inquiétudes à l’égard de cette réorganisation des collectivités locales pourraient être un élément du vote-sanction ?

Tous ces enjeux sur le mode de scrutin, la durée du mandat, la clause de compétence générale, sont assez techniques et n’ont pas encore touché l’opinion. C’est un débat qui agite la classe politique et les élus locaux. Dans l’opinion, même si elle affiche dans certaines enquêtes son scepticisme par rapport à la réforme, cela reste mou. Les gens ne savent pas très bien de quoi il s’agit. Cela n’enlève rien au fait que, depuis de nombreuses années, beaucoup de Français estiment qu’il faut rationaliser le millefeuille territorial et faire des économies. Ils considèrent que l’Etat ne s’arrête pas aux portes de Paris et que les collectivités territoriales doivent participer à cet effort de rationalisation. De ce point de vue, il peut y avoir dans la réforme un aspect qui n’est pas rejeté par l’opinion. Il y a aussi, depuis des années, un souci de plus grande lisibilité. Les gens ne savent pas qui fait quoi. Il existe une certaine opacité de ce système à plusieurs étages. On passe de la commune à la communauté d’agglomération, au pays, au département, à la région, avec une multitude de financements croisés. La chose la plus simple aurait été d’envisager la suppression d’un niveau de collectivité territoriale mais, pour de multiples raisons historiques – et le fait qu’en France on revienne très rarement sur un acquis -, c’était une tâche impossible à réaliser. Alors, on a cherché à créer des paires, à articuler davantage la commune et l’intercommunalité, à associer région et département, en se disant qu’un jour, dans de longues années, il y en aura peut-être un qui deviendra totalement inutile ou pourra se fondre dans l’autre. C’est l’idée un peu sous-jacente dans la notion de conseiller territorial siégeant à la fois au département et à la région. L’attente des Français est diffuse mais réelle, cependant la réponse apportée ne les satisfait pas. Du coup, l’opposition ne peut pas simplement dire que rien ne doit changer et que la réforme n’a que des défauts. Elle doit faire des propositions parce que, dans un premier temps, elle peut rencontrer l’opinion mais, dans un deuxième temps, l’opinion pourra considérer que cette opposition est bigrement conservatrice. Mais c’est vrai que les candidats régionaux essaient de populariser ces thèmes et les élus de mobiliser une partie de la population sur les problèmes de financement des collectivités locales. On l’a vu, à propos de la suppression de la taxe professionnelle, il y a des inquiétudes qui s’accumulent bien au-delà des édiles, en particulier dans les communes rurales.

Que pensez-vous du nouveau mode de scrutin prévu par la réforme territoriale ?

C’est un scrutin un peu étrange parce qu’il n’appartient pas à la tradition française. C’est un mode de scrutin typique du système anglo-saxon, uninominal majoritaire à un tour, que l’on retrouve en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Il a l’avantage de la clarté : celui qui arrive en tête est élu. Mais c’est un scrutin un peu brutal dans la mesure où il n’y a pas de représentation des minorités. Il n’appartient pas à la tradition française, d’où des réactions plutôt peu favorables à gauche mais aussi dans toute une partie de la droite. Pourtant, dans le passé, même au sein de la gauche, certains réformateurs électoraux avaient prévu des modes de scrutin de ce type, avec du majoritaire à un tour et un correctif proportionnel. En 1971, il y avait des éléments de ce type dans le programme du Parti socialiste. Mais c’est vrai que nous n’avons pas connu un tel mode de scrutin depuis que le suffrage universel existe en France, c’est-à-dire depuis 1848. Ce serait une nouveauté assez radicale. On aurait ainsi, en France, tous les modes de scrutin, de la proportionnelle intégrale pour les européennes, du majoritaire à deux tours pour la présidentielle et les législatives, puis du majoritaire à un tour et des scrutins mixtes, bref toute la boîte à outils des modes scrutin !

Pour conclure, quel poids pèsent les régions françaises au sein de l’Europe ?

Nous n’avons pas la tradition profondément décentralisatrice, même fédérale, de pays comme l’Allemagne, ou l’organisation très décentralisée de l’Espagne avec de fortes autonomies régionales pour le Pays Basque et la Catalogne. Nous sommes dans un Etat de tradition centraliste, multiséculaire, qui a enclenché un processus de décentralisation récent et timide par rapport à ces pays cités. Dans la réforme proposée, il y a d’ailleurs des éléments de recentralisation. La décentralisation française a du mal à trouver son second souffle. Les régions ne sont pas des poids lourds. Certaines communes urbaines et de grands départements ont des budgets, des masses financières, des poids politiques beaucoup plus importants que les régions. Les régions restent des collectivités locales aux budgets encore légers et aux pouvoirs comptés. Elles jouent dans la catégorie des welters et ont parfois encore un peu de mal à se faire une place dans le cœur des Français.

Un entretien de Pascal PERRINEAU à la revue 52mn, 15 février 2010, p. 74.